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Au fond du Parc est une série d’installations située dans le jardin, le hall d'entrée et la salle d’exposition de Villary à Nîmes. Cette série fut réalisée dans le cadre d’une résidence de production en Octobre 2020 pour l’exposition de groupe Les Mauvaises Herbes Résisteront, organisée par Alice Santiago pour le CACN, Centre d’Art Contemporain de Nîmes. Conçue sur place et pour répondre au lieu, la série comprend Au fond du Parc, quatre tissages de plantes et rubans sur des grilles métalliques, Le Jardinier d’Alice, une scénographie située dans un des bassins asséchés du jardin, constitué de meubles chinés sur place et d’un épouvantail jardinier, finalement, Wistful Opulence, une sculpture chandelier, constituée située de pièces antiques trouvées sur place, de bois flotté et de bijoux de plantes et résine, se trouve dans la salle d’exposition de Villary. 

En visitant de nouveaux endroits, vous rencontrez leur histoire, passée et présente, ainsi que les différents êtres qui les habitent. Un petit panneau en bois portant l’inscription “Nous sommes au fond du parc”, ayant appartenu aux propriétaires précédents, fut le point de départ des trois oeuvres réalisées, les liant avec le lieu, son histoire et ses matériaux. Les quatre grilles anciennes de fenêtres qui avaient été mises au rebut, furent mises en relation par l’artiste avec quatre grands cadres vides en stuc présent dans l’entrée de Villary. Les quatre plantes utilisées pour le tressage furent rencontrées au fur et à mesure de la résidence de production: une herbe succulente qui pousse partout, un palmier exotique mais envahissant, un roseau sauvage mais décoratif, des feuilles vertes longues et souples. Certains furent trouvées sur le tas à brûler du fond du parc, les autres de derrière la clôture du fond du parc. 

Le Jardinier d’Alice, 2020, toile de jute, herbes coupées, vêtements de seconde main, meubles et objets récupérés sur place, bougies décorées de fleurs sauvages

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“ Telle une archéologue-exploratrice inspirée par l’atmosphère du lieu, par son histoire et celle de ses propriétaires passionnés d’art et de voyages, elle a organisé son travail en deux temporalités : celle du repérage, de la recherche et de la récolte, puis celle de la production in situ ”  

Alice Santiago curatrice de l’exposition “Les Mauvaises Herbes Résisteront” au CACN, Nîmes

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Pour réaliser cette série de tissages, je me suis inspirée des pratiques de tissage et de fleuristerie (gardant à l’esprit le discours actuel sur la production des plantes utilisées dans ce contexte et le nouvel intérêt pour les bouquets secs), des pratiques d’artisanats liés au deuil et à la mémoire, telles et les “Forget-me-Not” Victoriens. La littérature de la comtesse de Ségur, la réutilisation et le recyclage pratiques ont également été des références importantes pour créer cette série in situ qui fut réalisée dans le cadre d'une courte résidence de production. Dans mon travail in situ, je travaille de plus en plus avec des matériaux trouvés directement sur place ou collectés lors de projets antérieurs. Ceci dans le but de créer un lien direct avec le lieu et son histoire, mais aussi de réfléchir activement aux cycles de production et de déchets liés à la réalisation des oeuvres artistiques.

Au Fond Du Parc, 2020, Tissages, grilles de fenêtre en fer rouillé, ruban et plantes tressées, Grand Hall de Villary

En traitant dans ce travail de sujets tels que l'écologie affective ou le féminisme intersectionnel, je tente de faire se chevaucher les questions de discriminations: la santé, le monde médical et le capacitisme en général, tout en explorant la représentation de la nature dans un système globalisé. Dans l'idée de symbiose et de transition productive, comment questionner nos systèmes de connaissance, de croyance et d’émotions à travers la reconversion et le recyclage d'objets? La réutilisation me permet ainsi de s’interroger sur ce qui a été produit et dans quelles conditions. Cette reconnaissance des objets du passé, associée à une réinvention de leur identité, les convertissent en des sortes de totems. Ces installations composées par des éléments impairs, tels que des matériaux physiques, déchets et mauvaises herbes, se mettent à l'œuvre grâce aux énergies et aux forces sensibles qui s'instaurent entre eux, dans une perspective défiant un productivisme abusif et au bénéfice d’une nature “sauvage”.

Wistful Opulence, 2020, Assemblage de bois flotté, métal, plantes, résine, pigments, plastique, fil, seringue, pilules (médicaments prescrits sur ordonnance).

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Extraits du texte d’Alice Santiago (Conservatrice, Centre d’Art Contemporain Nîmes / CACN)

Interrogeant la catégorisation des plantes et la hiérarchisation des pratiques créatives, le travail d’Anne-Laure Franchette s’inscrit (…) dans une démarche de revalorisation du travail artisanal et manuel. Émanant d’un riche intérêt pour l’anthropologie socio-culturelle, ses productions explorent la notion de perception culturelle et la représentation de la nature dans un système de globalisation (…) En s’éloignant de l’image pour aller au plus près de la matière physique, l’artiste questionne le monde naturel et sa relation au monde du travail. Elle « tente de visualiser formellement des circulations « invasives », indésirables et non cartographiées entre les mondes naturel et humain, questionnant nos systèmes de connaissance, de croyance et d’émotion ».

Anne-Laure Franchette (… ) collecte des végétaux, des mauvaises herbes qui poussent selon leur bon vouloir et en toute liberté … l’artiste s’est entièrement imprégnée de l’environnement de l’exposition puisque c’est ici-même, au coeur du domaine Villary, qu’elle a produit l’ensemble des oeuvres qu’elle présente. Telle une archéologue-exploratrice inspirée par l’atmosphère du lieu, par son histoire et celle de ses propriétaires passionnés d’art et de voyages, elle a organisé son travail en deux temporalités : celle du repérage, de la recherche et de la récolte, puis celle de la production in situ. Ainsi, après avoir attentivement observé et cueilli des mauvaises herbes et plantes invasives qui parviennent à échapper à l’attention du paysagiste, l’artiste a exclusivement utilisé des outils et matériaux trouvés sur place, dans le jardin ou la grange du domaine.

(…) suspendues par des structures artisanales, les mauvaises herbes deviennent des totems, des bijoux fins et précieux. On y lit une certaine glorification du pouvoir de résistance de la nature « sauvage » mais également du travail local et artisanal, en opposition au productivisme. La technique du tissage, parfaitement maniée par l’artiste, renvoie à une pratique qui a été, tout comme le tricot, associée au féminin et utilisée pour asservir les femmes du fait notamment de sa compatibilité avec l’éducation d’un enfant.

(…) les installations d’Anne-Laure Franchette interrogent les communications qui existent entre plusieurs composantes physiques. C’est en délaissant l’image qu’elle cherche à capter les énergies et les désirs des matériaux et des végétaux, au-delà de leur fonctionnalité et de leur histoire … son travail minutieux questionne les rapports entre force physique et force sensible que nos constructions sociétales associent respectivement au masculin et au féminin, les caractéristiques du premier étant davantage valorisées que celles du second. Déjouant ces classifications réductrices, les pièces d’Anne-Laure Franchette, pensées à la fois pour l’intérieur et pour l’extérieur – entre la sphère dite féminine et celle dite masculine- tendent à chambouler un système qui fabrique essentiellement du masculin. Ses installations sont des passerelles entre l’espace d’exposition et le jardin … symboliquement liées à une nature dont elles revendiquent la grandeur et à laquelle elles s’unissent pour résister à la domestication planétaire.